Par R. Green *

Face à l’énorme pression exercée par les forces de la coalition internationale, et suite à ses défaites sur le champ de bataille, de nombreux combattants de l’Etat islamique (EI) qui opéraient en Syrie et en Irak ont récemment déserté. D’autres, venus de l’extérieur du Moyen-Orient, ont rejoint d’autres pays de la région ou sont retournés chez eux.

Après avoir adopté une position agressive sur ce phénomène, l’EI a choisi des approches différentes envers les déserteurs, appelés désormais à revenir. L’EI a diffusé des vidéos qui les critiquent avec virulence, les décrivant comme des déserteurs ayant abandonné le front en pleine campagne, et les mettant en garde contre la punition qui les attend dans l’Au-delà. Dans une vidéo, un orateur exprime son étonnement que des membres de l’EI puissent retourner vers les « pays de l’incroyance », qui échappent au contrôle de l’EI. L’une des vidéos implique que les déserteurs sont considérés comme faisant partie de ceux ayant nié leur religion, fournissant la citation d’un verset du Coran qui condamne ceux qui quittent l’islam en ces termes : « Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… » [Coran 5:54]. Le message transmis est que ces combattants ont commis un crime grave en abandonnant le front. L’on attendait d’eux qu’ils combattent jusqu’à la mort.

Toutefois, plusieurs semaines plus tard, l’organisation a adouci sa position, apparemment pour ne pas rompre entièrement ses liens avec ceux qui partent et s’assurer qu’ils ont toujours la possibilité de revenir au bercail ou de travailler pour l’EI dans un secteur différent. Ainsi, l’on pouvait lire dans un éditorial de l’hebdomadaire officiel de l’EI Al-Naba que ceux qui étaient partis ne devaient pas être considérés comme des apostats, tant qu’il n’était pas prouvé qu’ils avaient transgressé les principes de la foi. C’est là une nouvelle indication du manque de main-d’œuvre de l’Etat islamique, comme en témoigne une vidéo récente postée par l’organisation, des femmes participent aux combats contre les Kurdes en Syrie. La vidéo vise à faire pression sur les hommes qui refusent de prendre les armes.[1]

On trouvera ci-après un examen de certaines des références les plus frappantes de l’EI au phénomène des désertions.

Un agent de l’EI : Les déserteurs veulent sauver leurs vies, même s’ils nuisent à l’islam et à l’honneur des femmes

Le 1er février 2018, la Province d’Al-Khair (Deir Al-Zour, Syrie) de l’EI a diffusé une vidéo saluant la fermeté de ses combattants, dont le message principal était une condamnation des déserteurs.[2]

Au début de la vidéo, le narrateur affirme : « Adhérer au droit chemin est une grâce qu’Allah accorde à Ses croyants. Car Allah, par Sa sagesse ancienne, sait que certains abandonneront Sa religion, Il les a informés [les croyants] que cela ne Lui causera pas le moindre préjudice, car Il n’a pas besoin d’eux, mais eux ont besoin de Lui, et la religion à laquelle ils adhèrent n’est rien d’autre que la grâce qu’Il leur accorde. [Comme il est écrit dans Coran 5:54] : ‘Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Allah va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier d’Allah, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur.’ »

Par la suite, un combattant de l’EI sur fond de ruines de l’un des bastions de l’organisation réprimande ses compagnons d’armes ayant abandonné le combat : « Il y a de nombreuses raisons de reculer, mais elles proviennent toutes de maladies du cœur. Le désir et le doute. Un grand nombre de ceux qui ont reculé préféreraient apparemment la vie en ce monde, aiment les plaisirs et les délices et haïssent la mort. Au lieu de mentionner la raison véritable de leur recul, ils inventent des excuses dont ils savent eux-mêmes qu’elles ne sont pas des excuses religieuses légitimes, pour justifier leur recul et leur retour au pays du polythéisme et leur abandon de la terre des musulmans. Il est possible que certains d’entre eux affirment qu’ils ont reculé en raison des méfaits de quelque commandant ou d’une erreur d’un officier supérieur. Est-ce seulement lorsque l’Etat [islamique] a commencé à se rétrécir et s’est trouvé dans une situation difficile, et que vous n’avez eu d’autre choix que d’affronter les ennemis d’Allah face-à-face, que vous avez découvert ce méfait ou cette erreur ? Chaque fois qu’un commandant se trompe, allez-vous rompre votre serment prêté à l’imam de la tribu de Quraysh [à savoir votre serment d’allégeance envers le dirigeant de l’EI Abou Bakr Al-Baghdadi, considéré comme un descendant direct du prophète Mohammed], partir pour la terre des polythéistes [3] et fuir la bataille ? Qui a émis ce décret ? Ce ne peut être que le diable et ses aides qui vous ont ordonné de le faire. »

Le narrateur continue de condamner ceux qui ont quitté le territoire de l’EI pour « les pays de l’incroyance », affirmant : « Nous voyons aujourd’hui les convois de ceux qui fuient se mettre de nouveau en place, abandonnant la communauté musulmane par crainte des polythéistes [à savoir, ceux qui fuient craignent d’être tués par les infidèles] et pour poursuivre une vie qui ne réjouit pas les hommes justes. Aux crimes de rompre le serment d’allégeance et d’abandonner le champ de bataille, beaucoup d’entre eux ont ajouté un voyage pour les pays de l’incroyance. Ce sont des partisans qui calomnient l’Etat islamique, sa voie, ses commandants et ses soldats, uniquement pour justifier leur fuite et leur refus de venir en aide à l’islam et de défendre les musulmans, après s’être reposés en son sein pendant un moment, avoir connu le goût de l’honneur lorsqu’ils faisaient partie de ses soldats, et avoir connu la sécurité et les avantages qu’il offre et goûté au trésor musulman. »

Sur fond de reproches à leur encontre, les photos de plusieurs combattants ayant déserté apparaissent à l’écran, parmi lesquels des déserteurs ayant accordé des interviews télévisées et relaté leurs expériences de combattants de l’EI. La photo qui se distingue est celle du membre de l’EI Thomas Barnouin. A la différence des autres membres ici montrés, Barnouin a occupé des postes élevés au sein de l’organisation, et pourrait être toujours connecté à son entourage.[4]

Déserteurs de l’EI : des combattants ordinaires (à gauche) et Thomas Barnouin.

Le combattant filmé devant un immeuble détruit réprimande ceux qui sont partis, affirmant qu’ils portent atteinte tant à la religion qu’à l’honneur des femmes : « Certains d’entre eux… dans leur perception [que l’Etat islamique] est menacé, et qu’ils n’ont pas d’autre choix que de mener le djihad et de se sacrifier, ont préféré partir vers les pays des polythéistes, rompre leur serment envers l’imam de la tribu de Quraysh [Al-Baghdadi], et fuir le djihad pour Allah. Ils ont imaginé que l’Etat [islamique] était détruit et que quiconque sauterait de son char serait sauvé, même si, ce faisant, il souillait [les femmes], portant ainsi atteinte à la religion, et perturberait le travail. »

Lire le rapport dans son intégralité en anglais

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