Le 27 mai 2019, l’ONU au Yémen a divulgué que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) avait fourni 20 véhicules Hilux au Yemen Executive Mine Action Center (YEMAC), « pour soutenir ses efforts de déminage quotidiens dans les ports [yéménites] d’Hodeidah, Ras al-Isa et Salif ». [1]

Cette information a été condamnée par le gouvernement yéménite, qui a affirmé que le YEMAC se trouvant effectivement sous le contrôle des milices houthistes, l’ONU fournissait des véhicules ultra-modernes aux houthistes, qui posent des mines au Yémen, y compris dans la région d’Hodeidah. Des critiques contre l’ONU ont également été exprimées sur les médias sociaux, comme le montre la photo ci-après.

L’emblème de l’ONU avec une mine au centre, diffusé sur Twitter avec le hashtag « UNDP funds Houthis' landmines
L’emblème de l’ONU avec une mine au centre, diffusé sur Twitter avec le hashtag « UNDP funds Houthis’ landmines » (l’UNDP finance les mines terrestres) (Source : Twitter.com/Alyemennow, 30 mai 2019)

Les relations entre le YEMAC et le mouvement houthiste

Le YEMAC fait officiellement partie du National Mine Action Committee (NMAC), qui mène une activité de déminage au Yémen et qui est soutenu par le PNUD.[2] Des éléments officiels yéménites l’ont qualifié d’organisme d’Etat, qui s’emploie effectivement à déminer les zones peuplées du pays. Toutefois, le YEMAC a clairement des liens organisationnels avec les autorités houthistes. Pendant des années, il était dirigé par Yahya Hassan Al-Houthi, membre du clan Al-Houthi qui a dirigé le coup d’Etat au Yémen, jusqu’à son arrestation par les services des renseignements militaires, apparemment pour prendre le contrôle des fonds fournis à l’organisation par le PNUD.[3] En fait, il semblerait que le mouvement houthiste contrôle effectivement les ressources du YEMAC, en particulier dans les régions sous son contrôle, comme celle d’Hodeidah.

Des déclarations officielles du YEMAC confirment ses liens organisationnels avec les autorités houthistes. Ainsi, un post du 23 février 2018 sur la page Facebook du YEMAC appelant à la libération de son directeur, Yahya Hassan Al-Houthi, s’achevait par le slogan houthiste : « Allah Akbar, mort à l’Amérique, mort à Israël, maudits soient les juifs et victoire à l’islam. » Ce post est accompagné d’images d’une conférence appelant à la libération d’Al-Houthi, dont l’une comportait le même slogan.[4]

Le post sur la page Facebook du YEMAC.
Le post sur la page Facebook du YEMAC.

Des officiels yéménites condamnent l’octroi de véhicules aux houthistes

En réaction au rapport de l’ONU sur l’octroi de véhicules au YEMAC, le ministre yéménite de l’Information Muammar Al-Iryani l’a qualifié de « nouvel outrage [perpétré] par l’ONU au mépris des vies des Yéménites ». Dans une série de tweets, il écrit que « depuis son coup d’Etat contre le gouvernement du Yémen, il y a quatre ans, la milice houthiste n’a pas annoncé le retrait d’une seule mine terrestre, mais a dans le même temps posé des centaines de milliers de mines de différents types… Il est regrettable que les fonds octroyés par les Etats frères amis, par le biais de l’ONU, aux programmes d’aide au Yémen, soient utilisés pour financer la production de mines houthistes sous parrainage iranien ».[5]

Le ministre de l’administration locale du Yémen et dirigeant de la Commission de secours suprême, Abd Al-Raqib Fath, a déclaré que le soutien au coup d’Etat de la milice houthiste, en lui fournissant 20 véhicules de déminage, « était en totale contradiction avec les principes de l’ONU et aux normes internationales et humanitaires. Les organisations de l’ONU », a-t-il ajouté, « devaient soutenir le gouvernement yéménite et les efforts du projet [saoudien] MASAM pour retirer les mines posées par les milices [houthistes] au Yémen, qui comprennent plus de 1 200 000 mines marines, terrestres et charges explosives… Ceux qui tuent des gens avec des mines ne les enlèvent pas. » [6]

Des critiques contre l’ONU ont également été exprimées sur les médias sociaux, dont certaines sous le hashtag en anglais et en arabe « l’UNDP finance les mines terrestres des houthistes ». Une utilisatrice d’Aden, Lina Saleh Al-Adani, a ainsi posté l’image qui accompagnait le rapport de l’ONU sur le transfert des véhicules, écrivant : « L’information la plus bizarre au monde : l’ONU a donné aujourd’hui aux houthistes 20 véhicules pour les aider à déminer ! Comment est-ce possible, alors que ce sont les milices houthistes elles-mêmes qui posent des mines dans tout le Yémen ? Ce qui est encore plus étrange, c’est que le dirigeant du YEMAC est un partenaire du programme de l’ONU au Yémen. »[7]

Le tweet de Lina Saleh Al-Adani.
Le tweet de Lina Saleh Al-Adani.

Information : des véhicules de l’ONU ont été utilisés lors d’une parade militaire houthiste

Des officiels yéménites et des médias affiliés au gouvernement yéménite ont rapporté qu’une parade militaire organisée par les houthistes à Hodeidah, à l’occasion de la Journée internationale d’Al-Quds (journée établie par le régime iranien, consacrée à la solidarité avec la cause palestinienne et à l’opposition à Israël) comportait, entre autres matériels, des véhicules fournis par le PNUD au YEMAC, ainsi que des véhicules arborant le portrait du Guide suprême iranien Ali Khamenei et des drapeaux du Hezbollah. Les informations mentionnaient aussi le fait que, selon l’accord de Stockholm sur le cessez-le-feu à Hodeidah et dans ses ports, signé par les houthistes le 13 décembre 2018, la ville était censée être démilitarisée. [8]

Le tweet du ministre yéménite de l’Information.
Le tweet du ministre yéménite de l’Information.

Le quotidien londonien Al-Sharq Al-Awsat a rapporté que le 1er juin, les houthistes ont commencé à utiliser les véhicules pour transporter des combattants et poser de nouvelles mines dans les zones placées sous leur contrôle, sur la côte occidentale du Yémen, alors que des officiels houthistes menaient des pourparlers avec des représentants de l’ONU à Sanaa, pour recevoir une aide supplémentaire.[9] Il convient d’observer que le gouvernement yéménite s’est plaint à de nombreuses reprises que l’ONU était partiale en faveur des houthistes, acceptait leur présence à Hodeidah et ignorait leur violation flagrante de l’accord de Stockholm.[10] De fait, le 21 mai 2019, le parlement yéménite a donné instruction au gouvernement de cesser toute coopération avec l’envoyé spécial des Nations Unies au Yémen, Martin Griffiths, au motif qu’il agissait en contradiction avec les résolutions de l’ONU et avec l’accord de Stockholm, et qu’il ignorait le fait que le retrait des houthistes des ports de Hodeidah n’était qu’un simulacre.[11]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] Ye.one.un.org, 27 mai 2019.

[2] Ye-yemac.org/about.

[3] Qposts.com, 28 août 2018.

[4] Facebook.com/permalink.php?story_fbid=971912672975005&id=944960869003519, 23 mai 2019.

[5] Twitter.com/ERYANIM, 29 mai 2019.

[6] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 2 juin 2019.

[7] Twitter.com/w2mgAfzEcURlxTK, 28 mai 2019.

[8] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 2 juin 2019 ; adennews.com, 1er juin 2019.

[9] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 2 juin 2019.

[10] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 16 mai 2019 ; Okaz (Arabie saoudite), 26 mars 2019.

[11] Alarabiya.net, 22 mai 2019.

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