Au cours des récents mois, on a assisté à plusieurs meurtres avérés et suspectés de femmes irakiennes de grande notoriété. En août 2018, deux femmes bien connues de l’industrie cosmétique sont décédées dans des circonstances mystérieuses : le 16 août, Dr Rafif Al-Yasiri, chirurgienne esthétique, a été retrouvée morte. Propriétaire d’un centre de chirurgie plastique et d’opérations au laser à Bagdad, elle était une figure célèbre en Irak, suivie par des millions de gens sur les réseaux sociaux, et en mars 2018, elle avait été nommée Ambassadrice de bonne volonté de l’Organisation française de défense des droits de l’homme. [1]

Le 23 août 2018, Rasha Al-Hassan, esthéticienne et propriétaire d’un café pour femmes à Bagdad de renommée, a été hospitalisée et est décédée peu de temps après. Diverses rumeurs ont circulé concernant la cause du décès, dont l’hypertension artérielle et l’empoisonnement.[2]

Un mois plus tard, le 25 septembre, la militante des droits de l’homme Souad Al-Ali a été tuée par balle. Elle était la fondatrice de la World Friendship Organization for Human Rights, et ces derniers mois, elle avait participé à des manifestations dans son gouvernorat natal de Bassorah, contre la négligence du gouvernement et son incapacité à fournir des services aux résidents.[3]

Le 27 septembre, l’ancienne reine de beauté et star des réseaux sociaux Tara Fares a elle aussi été tuée par balle. Elle avait souvent suscité la controverse en Irak, en postant des photos sur les réseaux sociaux, que certains considéraient comme osées.[4]

En outre, plusieurs autres femmes irakiennes célèbres se sont plaintes après avoir été menacées par des extrémistes qu’elles « seraient les prochaines ». Shaimaa Qasim, Miss Irak 2015, a déclaré au Time Magazine s’être enfuie en Jordanie, après avoir reçu des menaces de mort.[5] Fin septembre, elle avait posté une vidéo sur sa page Instagram, dans laquelle elle avertissait que les femmes irakiennes étaient « égorgées comme des poulets ».[6] La mannequin et star d’Instagram Israa Al-Obaidi et la journaliste et militante des droits de l’homme Yanar Mohammed se sont récemment enfuies d’Irak.[7]

Cet enchaînement d’événements a suscité une vague de panique en Irak, avec des rumeurs sur des assassins potentiels circulant sur les médias et les réseaux sociaux. Certaines voix dans le pays ont accusé des éléments extrémistes, qui selon elles encouragent la violence contre les femmes libérées, publiquement actives et visibles, tandis que d’autres ont accusé les autorités de ne pas traiter le problème. Par exemple, le Comité de sécurité du gouvernorat de Bagdad a accusé des éléments religieux extrémistes qui voudraient faire de Bagdad un « nouveau Kandahar ». Le membre du Comité Sad Al-Matlabi a déclaré que « ces éléments considèrent que les femmes non voilées s’écartent de la tradition musulmane, et s’efforcent d’imposer le voile en réponse [au phénomène] grandissant des femmes irakiennes qui ne le portent pas, en particulier à Bagdad ». Il a également observé le problème grandissant des armes illégales dans la ville. Le Haut-Commissariat irakien aux droits de l’homme a reproché aux autorités de ne pas avoir mené d’enquêtes appropriées sur ces crimes, et a mis en garde contre la diffusion des discours de haine dans la société irakienne. Le membre du Haut-Commissariat Ali Al-Bayati a exigé du gouvernement irakien de publier des informations sur les crimes contre les femmes et les jeunes filles.[8]

En réaction, le Premier ministre irakien sortant Haider Al-Abadi a divulgué que des membres d’organisations criminelles dangereuses avaient récemment été arrêtés, déclarant que certains assassins de ces femmes étaient motivés par des rivalités tribales, tandis que d’autres avaient des motivations politiques. Le ministre de l’Intérieur Qasim Al-Araji a annoncé l’arrestation de plusieurs suspects de ces meurtres, et a divulgué que des extrémistes étaient responsables de l’assassinat de Tara Fares. [9]

La vague d’assassinats a fait l’objet d’articles de presse d’auteurs irakiens. Eux aussi imputent les meurtres et l’insécurité croissante en Irak à l’establishment religieux, et notamment aux cheikhs chiites extrémistes, dont les fatwas, selon eux, encouragent le meurtre. Ces cheikhs, selon les articles, déforment la religion, anéantissent toutes les belles choses en Irak et tentent d’exclure les femmes de la vie publique et de les soumettre à leur autorité. Les articles critiquent également les autorités, en soulignant l’inefficacité de leur réaction face au problème et à la prolifération d’armes illégales dans les villes.

Lire la suite du rapport en anglais

Notes :

[1] Rudaw.net, 16 août, 2018.

[2] Alhurra.com, eremnews.com, 24 août 2018.

[3] Sur ces manifestations en Irak, voir Al-Arabi Al-Jadid (Londres), 15 juillet 2018. Basnews.com, 27 septembre 2018.

[4] Alarabiya.net, 27 septembre 2018.

[5] Time Magazine (USA), 18 octobre 2018.

[6] Facebook.com/iraqeenMode, 29 septembre 2018.

[7] Time Magazine (USA), 18 octobre 2018.

[8] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 2 octobre 2018.

[9] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 11 octobre 2018.

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