Dans son éditorial publié le 5 novembre 2018 dans le quotidien gouvernemental jordanien Al-Rai, Ruman Haddad a fustigé le système démocratique, le qualifiant de “criminel et inhumain” et affirmant que les pays démocratiques étaient responsables de crimes de guerre et de l’assassinat de victimes innocentes, plus que tous les autres pays. La démocratie, selon lui, était censée garantir que les dirigeants soient tenus responsables de leurs actes, pourtant, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont été impliqués dans des guerres meurtrières au cours desquelles ils ont employé des armes non conventionnelles, y compris les bombes nucléaires – et aucun de leurs dirigeants n’a dû en rendre de comptes. A l’inverse, les officiers nazis « qui ont survécu à la Seconde Guerre mondiale » ont été jugés pour crimes de guerre, sur le fondement des affirmations « exagérées » des Juifs. Extraits :[1]

Je ne suis pas ébloui par la démocratie, en dépit de ce que ses défenseurs disséminent à son sujet, et je suis convaincu que l’humanité d’aujourd’hui a besoin de nouveaux systèmes de gouvernement, qui répondront aux grands changements qui sont intervenus dans tous les domaines de la vie. Ma certitude à ce sujet est renforcée chaque jour par la mollesse des défenseurs de la démocratie, qui [réagissent à] chaque crise exposant une faille de la démocratie en rejetant la faute sur le peuple ou sur la mise en œuvre, mais jamais sur l’idée [de démocratie elle-même]. La démocratie, telle que présentée en théorie, est un régime qui donne le pouvoir aux citoyens, afin de garantir [la mise en place d’] un gouvernement qui travaille au service du peuple. Dans ce cadre, les citoyens ont la possibilité de choisir qui les gouvernera, ce qui donne à chacun la liberté et l’égalité. Certains maintiennent que le régime démocratique permet de tenir responsables les dirigeants qui se montrent négligents, ce qui entraîne la gouvernabilité et la responsabilité, deux facteurs nécessaires à la création d’un pays moderne.

[Mais] dans la pratique, lorsque j’examine l’histoire et que je feuillette ses pages, je ne peux trouver [de preuves] qu’un élément [quelconque] de cette théorie se soit réalisé, car ce sont les pays démocratiques qui sont le plus impliqués dans des guerres, des massacres d’innocents et dans la destruction de villes et de villages. Pour éviter d’être accusé de lancer des accusations sans fondement, laissez-moi vous emmener dans un voyage à travers l’histoire des guerres. Ainsi, par exemple, Adolf Hitler est considéré comme un criminel de guerre et comme un ennemi de l’humanité, en raison de l’affirmation des Juifs selon laquelle il les aurait brûlés. Ils ont exagéré le nombre de ceux qui ont été brûlés dans l’Holocauste, et les officiers nazis qui ont survécu ont été jugés par les tribunaux de Nuremberg en tant que criminels de guerre. D’un autre côté, le président [des Etats-Unis] Franklin Roosevelt est considéré comme un héros de guerre et comme un défenseur du monde libre et de la démocratie, et certainement pas comme un criminel de guerre, alors qu’il a donné l’ordre de bombarder Hiroshima et Nagasaki avec deux bombes atomiques [sic],[2] ce qui a entraîné la mort de centaines de milliers de civils – femmes, personnes âgées et enfants – sans jamais en avoir été tenu responsable.

Cette même démocratie, l’Amérique, a été impliquée dans la guerre de Corée et du Vietnam, durant laquelle elle a employé plusieurs types de munitions interdits par le [droit] international, comme les bombes au napalm et les armes chimiques – pourtant les présidents américains en fonction durant la guerre du Vietnam et les officiers de l’armée américaine n’ont pas eu à rendre des comptes. Le président George Bush Jr. n’a pas été interrogé sur la guerre américaine contre l’Irak en 2003, qui reposait sur le mensonge selon lequel l’Irak détenait des armes nucléaires [sic], [mensonge] exposé après l’occupation et la destruction de l’Irak…

Il en va de même pour la Grande-Bretagne, l’une des démocraties les plus arrogantes du monde, qui a mené la guerre des Malouines contre l’Argentine et la guerre contre Irak en 2003, sans qu’aucun des Premiers ministres en fonction au cours de ces guerres, Margaret Thatcher et Tony Blair, n’ait été tenu responsable. Et n’oublions pas que cette grande démocratie a conquis tant de pays qu’elle a été surnommée « l’Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Elle a maltraité les habitants de ses colonies, notamment en Inde et ailleurs.

Quant à la France, qui a fait de la liberté et l’égalité son slogan, mentionnons sa conquête des pays africains et son traitement barbare des habitants de ses colonies jusqu’à la fin des années 1960 en Algérie, au Maroc et en Tunisie, et dans les pays de l’Afrique sub-saharienne – tout cela sans qu’aucun de ses présidents ou officiers n’ait jamais été tenu responsable, sur le plan judiciaire ou politique.

Les exemples sont innombrables, ce qui m’amène à poser de nouveau la question : ce système démocratique, criminel et inhumain, est-il la meilleure chose réalisée par l’humanité ? Ou bien serons-nous capables de développer un système plus juste, dans lequel les gens devront réellement rendre des comptes ?

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] Al-Rai (Jordanie), 5 novembre 2018.

[2] Le président des Etats-Unis Franklin Delano Roosevelt est décédé en avril 1945. C’est son successeur, Harry S. Truman, qui a donné l’ordre de larguer les bombes atomiques sur le Japon en août 1945.

 

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