Le ministre de l’Investissement soudanais, Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi, a déclaré que les pays arabes « ont essayé de vendre la cause palestinienne ad nauseam » et que la normalisation des liens avec Israël devait être déterminée sur la base des intérêts du Soudan. « Je ne pense pas qu’il faille en faire tout un plat […] Les Palestiniens eux-mêmes ont normalisé leurs relations avec Israël », a-t-il affirmé.

S’exprimant sur la chaîne télévisée Sudania 24 le 21 août 2017, Al-Mahdi a fait l’éloge de la démocratie et de la transparence des institutions en Israël, de l’introduction de l’agriculture des agrumes et de l’irrigation par la technologie israélienne du goutte-à-goutte en Egypte. A la question de savoir s’il envisageait d’inviter des sociétés israéliennes au Soudan, il a répondu : « La technologie n’a pas de nationalité. »

Dans la même veine, le cheikh soudanais Youssouf Al-Kodan a appelé, lors d’une conférence en date du 6 février 2017 à Khartoum intitulée « Sur l’éveil et le dialogue religieux », à une trêve entre le Soudan et Israël et au tissage de liens diplomatiques entre les deux pays, précisant que la charia l’autorisait. Extraits :

Le ministre soudanais Moubarak Al-Mahdi : ne pas faire tout un plat de la normalisation avec Israël ; les Arabes nous ont abreuvés de la cause palestinienne ad nauseam. 

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Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Les habitants du Darfour n’ont-ils pas fui en Israël les difficultés du Soudan ? N’ont-ils pas découvert qu’il n’y a aucun problème avec Israël, en ce qui les concerne ? C’est un tout autre débat philosophique. J’ai ma propre opinion sur la cause palestinienne, sur Israël, et tout cela. Je pense que les gens sont plus impliqués émotionnellement qu’ils n’ont de raisons objectives de l’être.

Journaliste : Comment cela ?

Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : C’est mon opinion. Je pense que les Palestiniens ont une grande part de responsabilité dans ce qui leur est arrivé. Ils ont vendu leurs terres et causé de nombreux problèmes. Les Arabes ont commis des erreurs graves en rejetant le Plan de Partition et d’autres résolutions. Les pays arabes ont colporté la cause palestinienne. Chaque fois que quelqu’un monte un coup d’Etat, il dit que c’est pour libérer la Palestine… Ils ont colporté la cause palestinienne jusqu’à la nausée. Elle est devenue un produit politique dans le monde arabe.

Journaliste : Si l’on nous proposait la normalisation de nos relations avec Israël… En tant que politicien, seriez-vous pour ou contre ?

Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Je l’évaluerais par rapport aux intérêts du Soudan.

Journaliste : En ce moment, ce soir…

Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Je déciderais conformément aux intérêts du Soudan…

Journaliste : La normalisation des relations avec Israël est-elle dans notre meilleur intérêt ou non ?

Mubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Je ne me fonde pas sur les émotions, mais sur les intérêts du Soudan. Tous les pays ont normalisé leurs relations avec Israël.

Journaliste : Ainsi, vous ne vous opposez pas à une telle normalisation ?

Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Je ne pense pas qu’il faille en faire tout un plat. Les Palestiniens eux-mêmes ont normalisé leurs relations avec Israël. […] L’ensemble du problème est très complexe. Tout n’est pas noir ou blanc. Les Palestiniens eux-mêmes rencontrent les Israéliens. Ils coexistent avec les Israéliens, gagnent leur vie là-bas et obtiennent d’eux leur électricité. Ces gens cohabitent. […]

Je pense que la cause palestinienne a retardé les progrès du monde arabe et a été exploitée par les régimes arabes pour opprimer leurs peuples, sous couvert de lutte pour la Palestine. Je crois que les Palestiniens gèrent leur cause tout seuls. Ils rencontrent les Israéliens. Même le Hamas. Désaccords ou pas, ils les rencontrent. Ils ont les Accords d’Oslo et d’autres accords. Les pays arabes pensent à leurs propres intérêts. En Egypte, les Israéliens ont développé l’agriculture des agrumes et ont introduit l’irrigation au goutte-à-goutte. Youssef Wali a accompli de grandes choses avec eux.

Journaliste : Vous ne projetteriez pas, en tant que ministre des investissements, de faire venir des Israéliens ici, n’est-ce pas ?

Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Je ne suis pas un fanatique. Je ne pense pas que maintenant, avec l’histoire de ce mouvement… Je pense que nous avons été emportés par nos émotions sans nous en rendre compte. Ces Palestiniens, où qu’ils se trouvent, font tout ce qui est en leur pouvoir pour vous démettre de vos fonctions. Demandez à n’importe quel Soudanais qui travaille dans le Golfe ou n’importe où ailleurs : il vous dira que quand il rencontre un Palestinien, ce Palestinien ne ressent rien pour lui. Il complote immédiatement pour me faire renvoyer de ma société. Ils ne sont pas reconnaissants de l’empathie qu’ils ont reçue du monde arabe.

Journaliste : Qu’en est-il des Israéliens ?

Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Nous n’avons pas traité avec les Israéliens. Les Israéliens sont des Occidentaux. Ils ont été « importés » d’Amérique, de Russie, d’Europe, etc. Ils ont les valeurs morales des Occidentaux. Ils ont un mode de fonctionnement scientifique. Ils ont un régime démocratique, leurs présidents sont jugés et vont en prison… Ils ont un régime transparent, que vous soyez d’accord avec eux ou non.

Journaliste : Vous ne prévoyez pas de faire venir quelques entreprises israéliennes pour développer la culture des agrumes pour nous, n’est-ce pas ?

Moubarak Al-Fadil Al-Mahdi : Eh bien, je pense que la technologie n’a pas de nationalité. L’origine de cette technologie ne doit pas vous importer.

Un cheikh soudanais : la charia islamique autorise la normalisation des relations avec Israël (Archives)

Lors d’une conférence intitulée « Sur le réveil et le dialogue [religieux] », qui s’est tenue dans la capitale soudanaise de Khartoum le 6 février 2017, l’opposant et cheikh soudanais Youssouf Al-Koda, ancien membre de l’Organisation des savants du Soudan et actuel dirigeant du parti islamique Wasat, avait déjà abordé le thème « Relations avec Israël – les aspects religieux ». Dans son exposé, il appelait le Soudan à instaurer une trêve et à établir des relations diplomatiques avec Israël, affirmant qu’il n’existait pas d’interdit religieux contre cela. A titre de preuve, il avait mentionné le traité de Hudaibiya que le prophète Mahomet avait signé avec ses adversaires infidèles.

Selon Al-Koda, le boycott d’Israël porte plus atteinte au Soudan qu’à Israël. Il avait rappelé que d’autres pays de la région, comme la Turquie, le Qatar, la Jordanie, l’Egypte et même l’Autorité palestinienne, entretiennent des relations avec Israël. Il avait encore observé que le Soudan avait aussi des relations avec certains pays qui occupent des territoires soudanaises, sans nommer les pays en question.

Al-Koda prononce son allocution à la conférence (Al-Jamahir, Soudan, 6 février 2017).

Lien vers le rapport en français

Selon une information publiée par le site d’information Sudanese Online, « Al-Koda a déclaré que, nonobstant son opposition à toute occupation de terre, l’occupation de la mosquée Al-Aqsa n’empêchait pas d’instaurer des relations avec Israël. A titre de preuve, il a invoqué le traité de Hudaibiya [1] que le prophète Mohammed avait signé avec les infidèles, alors même que ceux-ci s’étaient emparés de la Kaaba et que la plupart des clauses [du traité] étaient préjudiciables pour les compagnons du Prophète. A titre de [preuve] supplémentaire, il a mentionné le fait que l’Autorité palestinienne entretient des relations ainsi qu’une coordination [sécuritaire] avec Israël. [Il a ajouté] que si des Etats voisins et frères occupaient des terres au nord et à l’est du Soudan, cela n’avait pas empêché [le gouvernement soudanais] de maintenir des liens étroits avec eux, et certains pays arabes et musulmans entretiennent des relations avec Israël. » [2]

Sudanese Online cite Al-Koda : « Le fait que Jérusalem soit aux mains des Juifs ne doit pas nous empêcher d’entretenir des liens avec eux, si le peuple le désire. Je ne dis pas que nous soyons obligés d’avoir des relations avec eux. Mes déclarations ne visent pas [à inciter quiconque] à établir des relations avec Israël. Je veux simplement préciser que c’est parfaitement autorisé, selon la charia musulmane, et qu’il n’y a rien d’interdit à cela. »

Il a ajouté : « Le boycott n’a pas porté atteinte à Israël, mais plutôt au Soudan, et malgré tout le temps qui s’est découlé [depuis son imposition], il n’y a jamais eu de discussion sur le boycott, comme s’il constituait une fin en soi ou une obligation religieuse. » Il s’est interrogé : « Pourquoi ne pourrions-nous pas proposer de reconsidérer cette position et d’en adopter une autre à la place ? »

Al-Koda a déclaré « qu’en tant qu’observateur, il a remarqué qu’Israël est désormais prêt à entretenir des relations avec le Soudan et avec d’autres pays, et qu’il ne pense pas que ce soit un problème. Il a précisé que les relations avec Israël ne signifient pas qu’il faille éviter de parler des implantations ou des violations israéliennes. »

Al-Koda a ajouté : « La biographie du Prophète nous enseigne non seulement de combattre, mais aussi d’éviter le danger et [évoque] les réconciliations, les trêves et les alliances… Pourquoi alors ne connaissons-nous que les combats et le djihad, comme s’ils étaient la seule option et qu’il n’y en avait pas d’autres, de quelque forme et dans quelques circonstances que ce soit ? » [3]

Selon un article paru dans le journal Al-Jamahir, Al-Koda aurait affirmé dans ce contexte : « Pourquoi ne déclarons-nous pas autre chose que le djihad et le combat ? Je préfère [déclarer] une trêve [avec Israël]. Une trêve ne signifie pas faire des concessions. Des pays très puissants, qui ne sont pas des acteurs importants [dans le conflit israélo-palestinien], y compris la Turquie, le Qatar, la Jordanie et l’Egypte, ont normalisé [leurs relations avec Israël]. » [4]

Selon le journal soudanais Al-Jarida, Al-Koda a déclaré avoir reçu des menaces de mort s’il livrait son exposé et « ouvrait les portes de l’enfer », mais s’est dit prêt à risquer sa vie et même celle de ses enfants pour exprimer son opinion. [5]

D’après un autre article dans le même journal, les remarques d’Al-Koda ont suscité une réaction d’Abd Al-Rahman Abdallah, représentant du parti Al-Tahrir à la conférence. Ce dernier a « condamné [Al-Koda] pour avoir, afin de conforter sa position, présenté le fait que certains pays [musulmans] ne boycottent pas Israël et que même le président de l’Autorité palestinienne Abou Mazen entretient des liens avec Israël. [Abd Al-Rahman Abdallah] a affirmé que ‘le comportement des gens ne constitue pas la preuve [qu’un acte est toléré par la charia]’. [Abd Al-Rahman Abdallah] a également critiqué le gouvernement soudanais pour avoir normalisé ses relations avec les Etats-Unis, ce qu’il considère comme [une étape] vers la normalisation des relations avec Israël, ajoutant que c’est un ‘[acte de] double-trahison’… Al-Koda a rétorqué que ‘même les dirigeants du Hamas sont financés par le Qatar, qui entretient des [relations] normales avec Israël, et a souligné que le Soudan est incapable d’affronter Israël [sur le plan militaire]. Le représentant du parti Al-Tahrir l’a interrompu, disant : ‘Les musulmans sont capables de vaincre Israël’, ce à quoi Al-Koda a répondu : ‘On ne peut vaincre Israël en restant chez soi’.”

Selon cet article, Al-Koda « a affirmé que le Soudan avait beaucoup perdu en déclarant son hostilité à Israël, et a ajouté : ‘Le Soudan a perdu tant sur le plan moral que matériel, lorsqu’Israël a violé sa souveraineté en planifiant des attaques sur son sol, et [également] en raison des dommages infligés par les Etats-Unis en raison de leurs mauvaises relations avec Israël.’ Il a nié le fait que le gouvernement [soudanais] soit à l’origine de cette initiative, affirmant qu’il continuait de s’opposer au gouvernement. Il a expliqué que son appel à réévaluer la position concernant Israël découlait de la volonté de susciter un débat public sur cette question. » [6]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :
[1] Dans ce traité, signé entre le prophète Mahomet et ses adversaires de La Mecque en 628 pour une période de dix ans, le Prophète a accepté les conditions humiliantes dictées par ses adversaires, reconnaissant sa force inférieure. Le traité a été violé deux ans plus tard, lors de la conquête de La Mecque par Mahomet.
[2] Al-Koda a affirmé qu’il ne voulait pas nommer les pays qui occupent la terre soudanaise. Voir Al-Jamahir (Soudan), 6 février 2017.
[3] Sudaneseonline.com, 6 février 2017.
[4] Al-Jamahir (Soudan), 6 février 2017.
[5] Facebook.com/aljareeda.sudanese.newspaper, 7 février 2017.
[6] Facebook.com/aljareeda.sudanese.newspaper, 7 février 2017.

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