Après la récente visite du Premier ministre indien Narendra Modi en Israël, et le fait qu’il n’a pas visité Ramallah, Ghassan Charbel, le rédacteur en chef du quotidien basé à Londres Al-Sharq Al-Awsat, a publié un article sur les fossés économiques et culturels entre l’Occident et le monde arabe et sur le contraste entre les succès d’Israël dans les domaines de la science et de la technologie et les faiblesses de ses voisins arabes, qui s’est reflété lors de la visite de Modi en Israël. Charbel observe que l’Occident porte une attention étroite aux questions talles que les droits de l’Homme, la protection de l’environnement et la santé publique, alors que le monde arabe les néglige, ce qui explique pourquoi les Arabes ressentent de la jalousie envers l’Occident. Concernant Israël, Charbel souligne ses capacités scientifiques et technologiques et ce qu’il peut offrir à une superpuissance mondiale comme l’Inde, contrairement aux voisins d’Israël, minés par l’extrémisme et les guerres intestines. Charbel soutient que dans le passé, l’Inde fut le premier pays à soutenir les Palestiniens par tous les moyens, alors qu’aujourd’hui, son Premier ministre, en visite dans la région, les a totalement ignorés. C’est pourquoi les Arabes se sentent non seulement envieux, mais totalement rejetés. Extraits :[1]

L’Arabe ressent de la jalousie lorsqu’ils entre en relation avec le monde développé. L’un de mes amis a fui son pays, qui sombre dans l’obscurité et le désespoir, pour s’installer à Londres. Il y a acheté une maison en attendant que la guerre [dans son pays] prenne fin. Un jour, un arbre dans son petit jardin le dérangeait et il a voulu l’abattre. Il a demandé à son voisin britannique s’il connaissait quelqu’un qui pourrait le faire, et le voisin a ri et [lui a dit] : « Vous n’avez pas le droit d’abattre cet arbre, même s’il vous appartient. D’abord, vous devez soumettre une demande au conseil local et le convaincre des motifs [pour lesquels vous voulez couper l’arbre]. Ici, la loi protège les arbres. Vous devez obtenir une autorisation, et seulement après intervient le travail de l’assassin. »

Mon ami était stupéfait. Il vient d’un monde dans lequel une ville [tout entière] peut être rasée sans que personne ne cille. Un citoyen peut être tué, et ni sa femme si sa mère n’auront le droit de demander pourquoi… Un arbre ici [en Angleterre] a plus de droits qu’un citoyen des pays [arabes où règnent] la torture et la souffrance.

La jalousie n’est ni une émotion utile ni noble, et elle ouvre en général les portes de l’amertume et de la haine, [pourtant] il n’est pas inhabituel qu’un Arabe souffre de cette maladie. Si un Arabe visite un musée dans un pays développé, il pense immédiatement à ce qui est arrivé aux antiquités en Irak et en Syrie… S’il remarque l’attention portée à Oslo à la santé publique, il se souvient de la manière dont sont traitées les eaux d’égouts dans telle ou telle capitale arabe.

Pour tenter de minimiser sa déception, l’Arabe cherche parfois des excuses au gouffre qui le sépare du monde développé. Nous vivons dans une phase historique totalement différente. Ces pays [en Europe] récoltent les fruits des grands événements qui s’y sont déroulés et ont changé la face du monde : la Révolution française, la Révolution industrielle, les idées de la Renaissance, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la philosophie allemande et les changements considérables dans le statut des femmes.

L’Arabe ressent de nouveau de la jalousie, car les Européens ont connu des guerres entre les nationalités et les religions, des conflits frontaliers et des plans de conquête et d’anéantissement [de l’autre]. Ils ont peint le continent et le monde entier de sang, mais ils en ont émergé forts de conclusions. Les empires sont devenus des [expositions] sur les étagères des musées et des phrases dans les livres d’histoire ; les frontières se sont transformées en ponts, plutôt qu’en murs ; les sociétés [européennes] ont accepté le droit à la différence. Les minorités ne sont plus désormais perçues comme des mines qui doivent être désamorcées. Les constitutions [européennes] interdisent à la majorité d’effacer les caractéristiques de leurs détracteurs. Ces pays ne cherchent plus de dirigeants historiques dont les biographies sont imbibées de sang. Ils cherchent des gouvernements consacrés à la lutte contre le chômage, au développement de l’économie, à l’encouragement des investissements, à la protection de l’environnement et au problème du changement climatique. Le visiteur arabe est rongé par la jalousie.

Mettons de côté les discussions sur les arbres et les antiquités, car il y a pire encore. L’Arabe observe que [le Premier ministre israélien] Binyamin Netanyahou a annulé tous ses projets pour pouvoir recevoir gracieusement son invité, le Premier ministre indien Narendra Modi. Il s’agissait de la première visite d’un Premier ministre indien en Israël. Une autre chose qui a attiré l’attention était que cet invité n’a pas éprouvé le besoin de se rendre à Ramallah, ce qui a comblé d’aise ses hôtes. Il s’agit pourtant de l’Inde, qui fut la première à exprimer sa compréhension pour les aspirations des Palestiniens et qui n’a pas hésité à les soutenir dans les forums internationaux…

Modi considère évidemment Israël comme un phare technologique, et évoqué le besoin de son gigantesque pays de bénéficier des capacités israéliennes dans cette sphère. En conséquence, Modi et Netanyahou ont signé un contrat d’une valeur de 2 milliards de dollars, en vertu duquel l’Inde recevra d’Israël le système Dôme de fer pour [détecter et intercepter] les roquettes et obus d’artillerie. En outre, un mémorandum d’entente a été signé pour créer un Fonds d’innovation industrielle et de R&D Inde-Israël. D’autres contrats concernent des domaines tels que l’eau, le développement agricole en Inde et des partenariats dans des projets économiques en Afrique et dans le monde en voie de développement.

Il n’est pas suffisant d’expliquer ce qui s’est passé en pointant que Modi appartient au courant nationaliste hindou extrémiste et que le terrorisme « djihadiste » a renforcé sa conviction d’une nécessité de développer des liens avec Israël. Le point important est qu’un pays de la taille d’Israël a quelque chose à offrir à l’armée indienne, au-delà du rôle qu’il a [déjà] joué dans le passé en développant les armes soviétiques et russes détenues par l’Inde ; qu’il a également quelque chose à proposer [dans les domaines] du développement agricole et des problèmes de l’eau, et qu’il [peut maintenir] des relations stratégiques militaires, sécuritaires et économiques avec un pays de la taille et de la stature de l’Inde.

L’Arabe a été perturbé par l’arrogance des discours de Netanyahou pendant la visite de Modi, mais lorsqu’il a déployé la carte du terrifiant Moyen-Orient, il a découvert qu’Israël avait remporté une série de victoires ces dernières années sans tirer la moindre balle. Les cartes, les pays, les armées et les économies tout autour s’effondrent. Les vagues de l’extrémisme ont causé des catastrophes dans certaines parties du monde arabe, en comparaison desquelles la nakba palestinienne n’est qu’une clause parmi tant d’autres.

Cette fois, l’Arabe n’a pas seulement éprouvé de la jalousie, mais a goûté à la défaite cuisante de celui qui ne parvient pas à rejoindre l’ère [moderne].

Lien vers le rapport en anglais

Note :
[1] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 10 juillet 2017.

 

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here