Par O. Peri *

Le 30 janvier 2018, le Congrès du dialogue national syrien s’est tenu dans la station balnéaire de Sotchi sur le littoral russe de la mer Noire. La conférence, dirigée par la Russie, s’inscrivait dans les efforts de ce pays pour promouvoir une solution politique à la crise en Syrie.

La semaine précédant la conférence, le 23 janvier, le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson et ses homologues français, britannique, saoudien et jordanien se sont rencontrés à Paris et ont rédigé un document présentant leur vision d’une solution politique en Syrie. Le régime syrien a perçu cette réunion et le document qui en a résulté comme une tentative visant à perturber la conférence de Sotchi et à s’immiscer dans les affaires intérieures de la Syrie.

Les préparatifs et le début de la conférence de Sotchi se sont déroulés dans le chaos [1], particulièrement perceptible concernant la question de la participation des représentants des factions de l’Armée syrienne libre, qui opèrent au nord de la Syrie. En effet, au début, ces factions ont annoncé qu’elles boycotteraient la conférence, puis, soumises aux pressions de leur mentor, la Turquie, elles ont accepté d’y participer.[2] Pourtant, lors de leur arrivée à l’aéroport de Sotchi, elles ont annulé leur décision après avoir constaté que l’emblème de la conférence ne comportait que le drapeau du régime syrien et non, comme elles disaient en avoir reçu la promesse, celui l’opposition en vis-à-vis. En dépit des négociations tenues à l’aéroport entre les représentants des factions et des éléments russes, aucune entente n’a pu être conclue, et quelques heures plus tard,  les représentants ont regagné Istanbul.

Des informations ont également fait état de désaccords lors de la conférence elle-même, tout d’abord entre l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, et les représentants russes sur la question de la création d’une commission pour la constitution syrienne, puis entre la Turquie et la Russie sur le sujet de certains représentants du régime syrien considérés comme des terroristes par la Turquie. Ces conflits ont retardé l’ouverture de la conférence.[3]

L’ambiance ternie était également manifeste lors des sessions de la conférence. Firas Al-Hakkar, correspondant du quotidien libanais affilié au Hezbollah Al-Akhbar, a observé que les représentants du régime syrien manquaient de respect envers ceux de l’opposition, les interrompant fréquemment et affirmant que la Syrie n’est pas leur patrie. Ceci, affirme-t-il, prouve que les Syriens « n’ont toujours pas appris les règles de base du dialogue ». [4]

A l’issue de la conférence, le régime syrien a exprimé son mécontentement concernant ses résultats, hormis ceux ayant trait à l’armée et à la constitution syrienne. Cela est clairement apparu dans les divergences entre la version de la déclaration finale publiée par l’agence de presse officielle syrienne et celle émise par le ministère des Affaires étrangères russe.

Le quotidien saoudien basé à Londres Al-Sharq Al-Awsat a rapporté qu’en raison du fait que la Russie a inclus l’ONU à la conférence de Sotchi, en vue d’obtenir une approbation internationale pour l’événement, ses résultats ont été déterminés avant même qu’il ne débute, lors de négociations entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov et le secrétaire général des Nations unies António Guterres. Selon ce journal, Guterres avait posé plusieurs conditions à la participation de l’ONU, parmi lesquelles celle qu’il s’agirait d’une conférence unique, qu’elle n’inclurait pas de commissions d’organisation, que De Mitsura déterminerait les rôles et le statut de la commission pour la constitution syrienne et choisirait ses membres parmi les listes fournies par la Russie, l’Iran et la Turquie, et enfin que la conférence confirmerait les 12 principes politiques que De Mistura avait précédemment présentés, lors de la huitième série des pourparlers de Genève, en décembre 2017. Selon le journal, la Russie avait accepté ces conditions.[5]

Un mois après la conférence de Sotchi, Al-Sharq Al-Awsat a rapporté que le régime syrien refusait désormais de discuter d’un règlement politique comme solution à la crise syrienne, ajoutant : « Le vainqueur fixe les conditions, et nous sommes le vainqueur. » Par cette décision, le régime a rejeté les résultats de la conférence ainsi que son approbation des 12 principes établis par De Mistura à Genève, et refusé d’appliquer la résolution de la conférence chargeant de Mistura de créer une commission pour la constitution syrienne et de déterminer les fonctions et le statut de cette commission constitutionnelle. La Russie, de son côté, exigeait tout du moins l’application de la Résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU [6]. C’est pourquoi elle a renvoyé l’émissaire du président Poutine pour la Syrie, Alexander Lavrentiev, en Syrie pour rencontrer le président Bachar Al-Assad. En outre, le ministre des Affaires étrangères russe Lavrov a refusé de rencontrer le conseiller politique d’Assad, Buthayna Shaban, lors de sa dernière visite en Russie en février.

Le présent rapport examine les réactions du régime syrien et de l’opposition à la conférence de Sotchi, et le document de Paris rédigé la semaine précédant la conférence par les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite et la Jordanie.

*O. Peri est chargé de recherche à MEMRI.

Lire le rapport dans son intégralité en anglais

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