Le 28 novembre 2017, Facebook a annoncé avoir développé une technologie lui permettant de détecter et de retirer 99 % des contenus de l’Etat islamique (EI) et d’Al-Qaïda de sa plate-forme, avant même qu’ils ne soient signalés par les utilisateurs. Le réseau a fait savoir qu’après avoir pris connaissance d’un contenu terroriste particulier, il était en mesure de supprimer 83 % de copies qui en seraient téléchargées ultérieurement, dans un délai d’un heure. [1] En réaction, Mohanad Habib Al-Samawi, un intellectuel irakien spécialiste des réseaux sociaux, a commenté que Facebook réagissait ainsi aux pressions des gouvernements américains et européens pour qu’il combatte le terrorisme sur les réseaux sociaux et a appellé les pays arabes à les imiter. 

Dans son article intitulé « Pourquoi Facebook ignore-t-il le monde arabe ? », Al-Samawi estime que les gouvernements arabes ne font rien pour pousser les entreprises qui contrôlent les réseaux sociaux à prendre des mesures contre les contenus extrémistes. Il souligne que le monde arabe compte des millions d’utilisateurs de Facebook, et que donc les pays arabes disposent d’un important atout pour inciter ces entreprises à répondre à leur demande de supprimer les contenus terroristes et extrémistes des réseaux sociaux. Extraits [2] :

Les déclarations de Facebook, et son annonce concernant les contenus terroristes, résultent d’une vaste campagne des législateurs aux Etats-Unis et en Europe et de leurs critiques du manque de sérieux ou de l’inefficacité de la gestion par Facebook et les autres entreprises telles que Google et Twitter, des contenus nuisant à l’ordre public, à la stabilité et à l’unité des sociétés de ces pays. Ceux-ci bénéficient d’une sécurité et d’une stabilité économique et sociale et craignent que surviennent des événements qui nuiront à cette stabilité.

En réaction à ces pressions, Facebook a commencé à prendre des mesures pour alléger la pression [des éléments] en Europe qui ne sont pas satisfaits et qui étudient des projets visant à taxer les entreprises numériques, en réaction…

A la lumière des luttes entre Facebook et les pays européens, tout citoyen arabe est en droit de demander : où se situe le monde arabe au regard de ce qui se passe entre Facebook et ces pays ? Quel est le lien entre le monde arabe et ces entreprises qui contrôlent l’esprit des jeunes, dominent leurs centres d’intérêt et jouent avec les sentiments de nombre d’entre eux ? Pourquoi ne voyons-nous pas d’activité des lobbies arabes concernant ces entreprises ? Ne serait-il pas plus approprié pour les pays arabes de critiquer Facebook et les [autres] compagnies sur les contenus terroristes ou incitant à la haine qui circulent sur leurs plates-formes ? Pourquoi l’Europe et les Etats-Unis sont-ils plus préoccupés par leur population et les contenus terroristes sur les réseaux sociaux [que nous] ?

Le terrorisme a conquis de nombreuses villes du monde arabe et renversé des gouvernements, et pourtant les gouvernements arabes restent passifs face à ces entreprises. Nous ne les avons jamais vus rien exiger d’elles, notamment des plates-formes où circulent les contenus terroristes, via lesquelles ont été recrutés des milliers de combattants terroristes, qui ont semé la destruction dans les pays arabes, tué des centaines de civils innocents, et qui sont très souvent parvenus à créer des guerres ethniques dans les sociétés arabes.

Les statistiques nous indiquent que dans le monde arabe, Facebook compte plus de 160 millions d’utilisateurs et que Twitter compte 12 millions d’utilisateurs. De même, dans le monde arabe, 460 millions d’appareils ont accès à Internet, et en 2018, le nombre d’utilisateurs d’Internet atteindra les 226 millions.

Selon certaines informations, dans la région arabe, le taux de croissance [du nombre] des utilisateurs d’Internet et la prévalence des équipements [accédant à Internet] pour recevoir et diffuser des informations et établir des connexions interpersonnelles sont parmi les plus élevés au monde…

Ces chiffres peuvent être utilisés pour faire pression sur les entreprises afin qu’elles se conforment aux exigences et [servent] les intérêts des pays arabes, concernant la lutte contre tout contenu extrémiste qui déclenche diverses formes et types de guerres internes…

Nous devons tirer profit des actions de l’Europe vis-à-vis de ces entreprises, de sa manière de les menacer et de les forcer à supprimer les contenus extrémistes de leurs plates-formes et à prendre des mesures réelles et efficaces. Nous avons vu comment, en septembre, la Commission européenne a exigé que ces sociétés suppriment toutes les publications terroristes et déclaré que si elles ne s’exécutaient pas, des lois seraient adoptées pour les y forcer.

Facebook est une entreprise purement commerciale, et ses profits, qu’elle publie officiellement, ne laissent aucun doute là-dessus. Facebook ne veut pas perdre son marché dans le monde arabe, qui compte des millions d’utilisateurs. Par conséquent, notre comportement envers lui devrait reposer sur ce principe. Ce n’est qu’alors que ces entreprises se conformeront aux demandes des Arabes concernant les contenus qui menacent la paix publique et la stabilité sociale dans nos pays.

Si les gouvernements et les parlements des pays arabes comprennent cela, Facebook ne pourra pas les ignorer et se conformera à toutes les demandes concernant les millions de publications au contenu extrémiste téléchargés sur ces plates-formes toutes les heures.

Lien vers le rapport en anglais

Notes :
[1] Newsroom.fb.com/news/2017/11/hard-questions-are-we-winning-the-war-on-terrorism-online/, 28 novembre 2017.
[2] Elaph.com, 2 décembre 2017.

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