Le 30 janvier 2019, Bahia Mardini, journaliste kurde syrienne, auteure, militante des droits de l’homme et ancienne consultante en médias de la Coalition nationale des Forces d’opposition révolutionnaires syriennes, a publié une lettre ouverte à Asma Al-Assad, épouse du président syrien Bachar Al-Assad. Dans cette lettre, mise en ligne sur le site progressiste saoudien Elaph. com, Mardini a accusé Asma Al-Assad d’abandonner le peuple syrien, en soutenant les massacres perpétrés par son mari, et d’être ainsi pleinement associée à ces crimes. Faisant allusion au récent cancer d’Asma, Mardini observe qu’une maladie grave amène souvent les gens à faire un examen de conscience, et appelle Asma Al-Assad à saisir cette opportunité pour reconsidérer sa position et empêcher son mari de poursuivre le massacre. Extraits :

Il faut un tournant émotionnel intense dans la vie d’une personne – comme une maladie, celle d’un être cher ou le décès d’un proche – pour amener cette personne à affronter sincèrement son passé et faire son bilan, et celui de ses proches. Cela semble trop tard pour la Syrie, car la guerre dure depuis longtemps, les rangs sont rompus, les masques sont tombés, et les responsables, dignitaires et les gens ordinaires sont tous égaux face à la critique. Néanmoins, ceux qui occupent une fonction officielle doivent, plus que les autres, rendre des comptes [et répondre aux questions suivantes] : Comment se sont-ils [comportés] ? Comment se [comportent-ils] aujourd’hui ? Qu’ont-ils fait au peuple ? Qu’ont-ils fait aux enfants ? Avaient-ils le pouvoir de mettre fin à la guerre et à la machine de mort ? Que font-ils à présent et que proposent-ils de faire dans l’avenir ?

Lorsque la destruction [de la Syrie] était à encore ses débuts, nous avons appris que vous, Asma Al-Assad, étiez opposée à la guerre et que vous vous étiez exprimée contre l’intention de votre mari de massacrer des civils et des opposants, et l’avons cru. Mais vous avez très vite dissipé cet espoir… lorsque vous avez annoncé que vous étiez aux côtés de votre mari, et avez donc été transformée d’une rose dans le désert [1] en partenaire majeure de la guerre. Nous attendions de vous, en tant que personne bénéficiant de la protection de la démocratie et de la liberté à Londres, capitale mondiale du dialogue, de la diversité et du pluralisme, une position ferme, une position différente. Nous [nous] disions que vous, Emma, comme vos amis vous appelaient à l’école, seriez du côté de la vertu, du peuple et du libre-arbitre.

Les projets [auxquels vous participez], financés par l’ONU ou par des gouvernements qui s’efforcent de rester neutres [dans la crise syrienne], et les photos de vous [prenant soin] d’un enfant malade ou souriant à une mère blessée – [rien de cela] ne vous absoudra de votre responsabilité…

A présent, vous [devez] employer des gardes du corps pour escorter vos enfants en tout lieu… et ils ne peuvent se déplacer librement sans entendre les cris de « meurtrier » et de « meurtre » à leur passage. Ils sont enveloppés dans une peur qui ne diffère pas beaucoup de celle que vous inspirez à vos citoyens [syriens] et à leurs enfants avant de leur dire, « Revenez dans le giron de votre patrie », seulement pour que vous puissiez les condamner à la prison.

La grande peur qui vous poursuit est [la peur d’] Allah, car le Syrien sait qu’il a été lésé et que tôt ou tard, Allah triomphera de ses oppresseurs. Quant à vous, vos espoirs se transformeront en victoire manquée que vos médias corrompus présentent comme [une victoire authentique].

[Asma,] vous avez aujourd’hui l’occasion de procéder à votre examen de conscience. Vous vous trouvez à un carrefour fatidique, [au seuil] d’une nouvelle étape. Demandez-vous : combien de temps encore ? Ne regardez pas les yeux de votre mari, car l’argent et le pouvoir ne vous serviront à rien. Lorsque vous vous réveillez après une anesthésie, dans un halo de brume, souvenez-vous seulement que vous vous êtes réveillée pour mettre fin au désastre et à la destruction et pour dire à votre mari : « Assez, cela suffit » – et non pas pour l’encourager en lui disant, « Tu as fait ce qui fallait », uniquement pour qu’il s’accroche au pouvoir et à une poignée de dollars, et pour que [la famille Assad] puisse continuer à régner à jamais, en nageant un bain de sang. [2] [3]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] A Rose in the Desert était le titre d’un article de Vogue sur Asma Al-Assad, publié quelques mois avant le début des révoltes syriennes contre le régime d’Assad. Voir web.archive.org/web/20110329085142/http://www.vogue.com/vogue-daily/article/asma-al-assad-a-rose-in-the-desert.

[2] Elaph.com, 30 janvier 2019.

[3] Special Dispatch No. 7923

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