Yigal Carmon et A. Savyon*

Le 16 décembre 2017, une organisation apparemment affiliée au gouvernement saoudien a mis en ligne une animation vidéo sur YouTube, Twitter et d’autres plateformes de médias sociaux, pour mettre en garde l’Iran contre des représailles saoudiennes en cas de frappe militaire iranienne contre un bateau saoudien (voir MEMRI TV Clip No. 6319, KSA Animation Video: Saudi Forces Conquer Tehran In Retaliation For An Iranian Attack On A Saudi Ship, 16 décembre 2017). La vidéo, en anglais sous-titrée en arabe, avec des versions en d’autres langues, commence par une citation du Prince héritier saoudien Mohammed bin Salman Al Saud : « La Qibla des musulmans [La Mecque] est la cible principale du régime iranien. Nous ne pouvons pas attendre que la guerre arrive en Arabie saoudite. Nous devons porter la guerre en Iran”.

Dans la suite de la vidéo, un navire de secours saoudien dans le « golfe Persique » se retrouve attaqué par des hors-bords iraniens. Une frégate saoudienne détruit les bateaux iraniens. Après une autre attaque, cette fois par des missiles, interceptés et détruits par le système radar Patriot, le commandement saoudien déclenche des représailles, par air, terre et mer. Enfin, les forces terrestres saoudiennes envahissent l’Iran et atteignent Téhéran, où elles prennent d’assaut un bunker iranien et capturent le général iranien Qassem Soleimani, commandant de la Force Quds du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), qui tremble de peur. La vidéo se termine par une célébration de masse sur la place Azadi à Téhéran, lors de laquelle des drapeaux saoudiens et des affiches du prince héritier saoudien sont brandis, et où des avions saoudiens larguent des tracts annonçant : « Que la paix soit avec vous. Nous sommes avec vous » sur les foules iraniennes.

Cette vidéo a fait l’objet de spéculations et d’interprétations dans les médias et les cercles de chercheurs occidentaux, lesquels, en l’absence d’information pertinente, n’ont pas réussi à la relier aux menaces de l’Iran contre l’Arabie saoudite au cours des dernières années.

En outre, ils n’étaient apparemment pas informés de la menace directe de l’Iran de bombarder des cibles saoudiennes, émise en 2016, elle aussi sous forme de vidéo animée (voir MEMRI TV Clip No. 5261, Iranian Animated Film Simulates Yemeni Missile Attacks On Saudi Oil Fields, Military And Civilian Targets, 9 janvier 2016).

Ils ignoraient même la menace émise quelques jours seulement avant la mise en ligne de la vidéo saoudienne par le rédacteur en chef de Kayhan, Hossein Shariatmadari, connu pour être proche du Guide suprême Khamenei, qui a été postée sur Tasnim, site du CGRI, le 12 décembre 2017. Dans son article, Shariatmadari appelait les Ansar Allah (les Houthistes) à attaquer des navires pétroliers dans le Golfe d’Aden, en représailles aux attaques saoudiennes contre le Yémen. Il affirmait : “Les Ansar Allah doivent attaquer les navires pétroliers saoudiens dans le Golfe d’Aden et la Mer Rouge. La valeur de la vie des femmes et des enfants tués au Yémen dépasse de loin celle des pétroliers saoudiens, et c’est le prix le plus bas qu’ils devront payer”.

Toutefois, les menaces iraniennes révèlent bien plus que des intentions hostiles, car elles fournissent des informations émanant des autorités suprêmes iraniennes sur les actions prises par l’Iran pour équiper les Houthistes de missiles balistiques, question qui se trouve actuellement au centre de la crise émergente entre l’Iran d’une part, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite d’autre part.

Ainsi, dans un discours prononcé il y a tout juste six mois par Medhi Taeb, un des proches conseillers du Guide suprême iranien Ali Khamenei, Taeb a publiquement reconnu que l’Iran avait agi pour fournir aux Houthistes des missiles balistiques (voir MEMRI Clip No. 5986, Senior Khamenei Advisor Reveals Iranian Attempts To Arm Houthis With Surface-To-Surface Missiles).

De fait, Taeb a expliqué qu’en trois occasions distinctes, les transferts de missiles avaient été bloqués par le président Hassan Rohani en personne, inquiet à cette époque que cela ait un impact négatif sur les négociations concernant l’accord nucléaire. Selon Taeb, les Américains, qui étaient alors déjà informés des transferts planifiés, ont mis en garde l’Iran que s’il continuait sur cette voie, les négociations seraient interrompues. (Inutile d’ajouter que cette restriction a cessé de poser problème lorsque le PGAC a été conclu à la mi-juillet 2015).

Dans la vidéo, Taeb aborde aussi les options alternatives en vue de mener des attaques contre l’Arabie saoudite sur le site de la Kaaba (à La Mecque), ce qui serait facilité par le “cadeau” du Yémen, qui peut servir de zone de lancement.

Voici quelques exemples des menaces iraniennes tirées des recherches menées par MEMRI au cours des dernières années.

  • En avril 2015, le général iranien Ahmad Reza Pourdestan, commandant des forces terrestres du CGRI, a menacé de frappes militaires contre des cibles sur des sites saoudiens (ici).
  • Le 6 novembre 2017, le quotidien iranien Kayhan relève en Une : “Un missile des Ansar Allah tiré contre Riyadh ; prochaine cible : Dubaï”, et un correspondant de l’agence iranienne Tasnim, affiliée au CGRI, tweete que les missiles de l’Iran et du Yémen vont transformer Riyadh en “histoire” [ancienne] (ici).

En avril 2015, MEMRI publiait un rapport détaillé sur l’aide de l’Iran aux Houthisttes (voir MEMRI Inquiry and Analysis No. 1155, Iran’s Support For The Houthi Rebellion In Yemen: ‘Without Iran There Would Be No War In Syria And Ansar Allah Would Have Never Emerged’).

En mars 2015, MEMRI a fait état de la réaction iranienne immédiate à la campagne militaire arabe sunnite pour contrer l’expansion chiite au Yémen, comportant : des appels aux Houthistes à attaquer des pétroliers et des puits de pétrole saoudiens ; des appels aux Houthistes à opérer en territoire saoudien et dans les détroits de Bab Al-Mandeb et Hormuz (ici).

 

*Yigal Carmon est Président de MEMRI ; A. Savyon est Directrice du MEMRI Iran Media Project.

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