Le 12 décembre 2017, en amont du sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à Istanbul, le quotidien turc Şafak, proche du président Recep Tayyip Erdoğan et de son parti au pouvoir AKP, a publié un article intitulé « Appel à une action urgente » [1] qui a également été publié sur le site web du journal sous le titre « Et si une Armée de l’islam était formée contre Israël ? » [2] L’article appelait les 57 Etats membres de l’OCI à former une « Armée de l’islam » pour assiéger et attaquer l’Etat d’Israël. Il observe qu’une telle armée dépassera largement l’armée israélienne en termes d’effectifs, d’équipements et de budget, et présente des statistiques pour le prouver. Il soutient également la création de bases conjointes pour les forces terrestres, aériennes et navales, qui viendraient de tout le monde musulman pour assiéger Israël, tout en soulignant que le Pakistan, seul pays nucléaire [musulman], jouit d’un « statut spécial » parmi les pays de l’OCI. Une carte interactive fournit des informations sur les forces militaires stationnées dans différents endroits et sur le rôle qu’elles pourraient jouer dans le cadre d’une attaque musulmane conjointe contre Israël.

La source de l’article de Yeni Şafak : le site web de la société SADAT

Les principaux éléments de l’article sont repris du site web de la société turque de Conseil et de Défense internationale SADAT – qui fournit des services de conseil en matière de défense et de guerre, conventionnelle et non conventionnelle, ainsi que sur l’organisation, l’entraînement et le matériel militaire. La société défend la coopération militaire panislamique. Selon son énoncé de mission, elle vise « à établir une collaboration en matière de défense et une coopération entre les pays islamiques dans l’industrie de défense, à aider le monde musulman à trouver sa place légitime parmi les superpuissances en fournissant… des conseil stratégique et d’entraînement aux armées et forces de sécurité intérieure des pays islamiques ».[3]

Selon des sources sécuritaires israéliennes, la société SADAT est impliquée dans l’aide au Hamas, et cherche à contribuer – au moyen de fonds et de matériel militaire – à la création d’une “Armée de Palestine” pour combattre Israël.[4]

Le fondateur de SADAT, Adnan Tanrıverdi

La société SADAT a été créée par Adnan Tanrıverdi, conseiller principal d’Erdoğan aux affaires militaires et général à la retraite, et est présidée par son fils, Melih Tanrıverdi. Adnan Tanrıverdi (né en 1944) a servi dans le corps d’artillerie de l’armée turque et a dirigé le Commandement du front intérieur au nord de Chypre. Il est spécialiste en guerre asymétrique et a été évincé de l’armée turque en 1996  en raison de ses positions islamistes. Un ancien officier de l’armée turque, Ahmet Yavuz, l’a qualifié d’ « ennemi d’Atatürk » et a déclaré que son renvoi de l’armée n’était pas surprenant.[5]

Photo : Sadat.com.tr

L’article de Yeni Şafak est basé sur un livret PDF comportant plusieurs articles de Tanrıverdi, ainsi que d’autres documents, parus sur la page d’accueil du site de SADAT, puis retirés. [6] Certains articles expriment des positions virulentes contre Israël et défendent l’objectif d’armer les Palestiniens et de former une Armée de l’islam pour éliminer Israël.

L’un des articles, intitulé « SADAT et l’avenir du monde musulman » qualifie Israël d’ « avant-poste de la nouvelle croisade et de poignard planté au cœur de l’islam » et « les yeux, les oreilles et le poing du monde chrétien ». Un deuxième article, intitulé « Comment résoudre la question palestinienne ? » souligne la nécessité d’utiliser l’OCI comme base pour un comité permanent de coopération en matière de défense, et décrit également sa vision de la création de bases militaires pour libérer la Palestine. Un article intitulé « La Palestine devrait aussi avoir une armée » exprime la vision de Tanrıverdi de former une armée palestinienne équipée de tanks et d’autres armes lourdes, ajoutant que cette armée, aux côtés d’une Armée unifiée de l’islam, pourrait entraîner une défaite militaire d’Israël en dix jours et sa défaite diplomatique en 20 jours.

Le fait que Yeni Şafak fasse écho aux articles de Tanrıverdi indique que les médias proches du régime défendent un programme visant à attaquer Israël.

Un associé de Tanrıverdi arrêté en Israël, soupçonné d’aider le Hamas

Récemment, Israël a pris connaissance des activités de Tanrıverdi après l’arrestation d’un universitaire turc, Cemil Tekeli, soupçonné d’aider les terroristes du Hamas en Turquie. Selon le journal israélien Makor Rishon, Tekeli, qui a depuis lors été expulsé en Turquie, est un proche collaborateur d’Adnan Tanrıverdi. L’article de Makor Rishon comportait une photo de lui aux côtés d’Adnan et de Melih Tanrıverdi. [7] 

Lire le rapport dans son intégralité en anglais

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